Les espoirs sont souvent mal fondés.

Almaak s’était enfin échapper. Ah que c’était bon de pouvoir galoper à nouveau aussi vite que le vent ! Il n’y avait plus d’humains pour le retenir. Juste une corde attachée à son cou et trainant par terre ainsi que des cicatrices sur les flancs laissées par les éperons montraient qu’ils avaient essayés de le domestiquer. Mais alors qu’on avait voulu essayer de le monter une énième fois, il avait jeté à terre son cavalier ainsi que la selle. Puis il s’était enfui aussi vite que possible. Aucun cheval n’avait pu tenir le rythme. Mais ils n’abandonneraient pas, c’était sûr. Almaak le savait quoiqu’il en ignora les raisons. L’étalon bai aux reflets dorés était trop précieux pour qu’il puisse être perdu si facilement. Le colonel avait placé de grands espoirs en lui. Mais le sauvage n’était pas du même avis. Il était têtu comme une mule.
Quoiqu’il en soit l’akhal-téké galopait depuis longtemps déjà. C’était à présent le milieu de la journée. Le fuyard se remémora cette nuit avec délice :

Almaak avait trotté et galopé attaché à un autre cheval toute la journée pour une vérification des frontières. Personne ne l’avait monté mais on le familiarisait quand même aux tâches des solatds dans l’espoir de l’amadouer. On l’avait attaché solidement à un arbre et entravé aux antérieurs pour qu’il ne puisse s’enfuir. Mais au milieu de la nuit, alors que l’étalon s’était résigné à somnoler quelques heures. Des voix se firent entendre. Les hommes se dirigeaient vers lui. Ils sentaient l’alcool et titubaient comme des ivrognes. Le général mit une selle sur le dos d’Almaak et fit taire toutes les objections. Personne n’osait s’opposer à lui. Pendant ce temps, on détachait l’animal et on lui enlevait ses entraves. Le général grimpa maladroitement en selle alors même que l’étalon n’avait pas de bride. Tant pis pour eux. A peine l’homme avait posé ses fesses sur la selle qu’Almaak partit en sens inverse, envoya rouler l’importun dans la poussière et la selle par la même occasion. L’akhal-téké poussa un hennissement triomphal et la poursuite commença.

Des bruits de voix sortirent l’étalon de ses pensées. Devant lui, des hommes. Mais pas ses poursuivants… Almaak s’arrêta pour les observer. De toute façon, il ne pouvait avancer sans les frôler de trop près. Ils barraient le chemin. Avec eux des chevaux. Mais l’étalon se concentra sur les bipèdes. Ceux-ci n’avaient pas autant de tissus que les soldats de l’armée et de longs crins noirs. Almaak n’en avait jamais vu de semblables. Cependant, il avait déjà entendu les domestiques parler d’humains étranges et sauvages avec des chevaux peints. Ils appelaient ça des indiens. Ceux-ci en avaient l’air. Et leur chevaux avaient bien des marques faites à la peinture. L’étalon bai avança de quelques pas, intrigués. A droite, il y avait la rivière et à gauche une pente trop escarpée pour un équidé. Les indiens lui faisaient face à présent. Ils avaient arrêté de parler. L’akhal-téké piaffa un peu, indécis puis il se cabra. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites. Et quand il se reposa sur le sol, il n’y avait plus d’hésitation dans ses yeux. Juste une flamme avec quelque chose de mauvais au fond de ses grands yeux sombres. Sans attendre plus longtemps, il fonça, dents découvertes, sur le groupe d’indiens et ses chevaux.